Atlandide (Puissance -1)

L’île de plastique du Pacifique. Photo: La Vanguardia

Fin Août, je prenais un verre en terrasse à Madrid avec un de mes amis. Nous parlions un peu de tout, des vacances, du retour au travail, de la vie. Madrid est une ville très agréable et qui se prète à la contemplation et à la discussion. 

Il aborde un sujet plus sérieux : « As-tu regardé ce reportage sur Arte ou sur la 5, sur le 7eme continent ? Affreux et affligeant, comment en sommes-nous arrivés là ! ». Il touche là un sujet qui me tient à coeur: Le développement durable, la responsabilité collective et individuelle pour un monde meilleur.

A-Veda : « toute la connaissance » (en sanscrit)

J’ai eu une grande chance dans ma vie professionnelle, celle de travailler dans une entreprise comme Aveda (www.aveda.com) en tant que Directeur Général Iberia. Cette entreprise cosmétique américaine fondée à Minneapolis en 1978 par un coiffeur autrichien totalement visionnaire, Horst Rechelbacher, fait partie du Groupe Estée Lauder depuis 1998. Horst avait fait un voyage initiatique en Inde en 1977, c’était la mode à ce moment là, les Beatles et autres chanteurs rocks avaient fait de même quelque temps auparavant, comme pour revenir aux sources alors que le monde basculait dans le chaos entre choc pétrolier et guerre du Vietnam. Il en était revenu complètement transformé et ses décisions furent guidées par les principes suivants :

• Créer une entreprise cosmétique naturelle, dédiée aux professionnels de la coiffure et du spa.
• Utiliser les bienfaits des plantes, des fleurs et des essences pures afin de développer des produits dont les résultats sont scientifiquement prouvés sur le corps, les cheveux.
• Mettre en place la politique des 3R : Reduire, Recycler, Réutiliser.
• Etre plus performant et respectueux du monde qui nous entoure en essayant, année après année de modifier les process de développement produits, de production et de logistique.
• Tout faire pour défendre la bio-diversité, le commerce juste, la relation humaine.

Cela ne l’empêchait pas d’être tourné vers l’excellence et d’avoir un niveau d’exigence largement supérieur à la moyenne. La réussite d’Aveda et son legs en sont les principales illustrations.

Lorsque je suis rentré chez Aveda, tout me semblait une évidence ! Je me trouvais enfin dans une entreprise qui visait l’excellence en tout, défendait une certaine vision de l’entreprise et du monde qui nous entoure. Il nous fallait atteindre les objectifs tant en chiffre d’affaire qu’en bénéfice pour démontrer que notre modèle de négoce fonctionnait. Mais plus important encore que le COMBIEN était COMMENT LES REALISER !

Alors durant toute cette période de ma vie professionnelle chez Aveda, j’ai essayé du mieux possible de concilier le COMMENT avec le COMBIEN, en passant parfois par de grands moments de solitude durant lesquels la pression du résultat agissait comme une tentation « pour faire comme si ». Mais si on tombe dans le piège alors on trouvera toujours une raison pour s’auto-justifier et s´éloigner de la philosophie de la marque avec le risque d’impacter négativement sa valeur (Brand equity). 

La relation client-consommateur avec l’approche Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)

De cette expérience sur Aveda vécue avec beaucoup d’intensité et de passion, j’en ai retiré quelques enseignements :

• Les clients en B to B sont de plus en sensibles à un discours de R.S.E. Cela leur paraît « dans l’air du temps » évidemment, ceux sont aussi des parents et ils sont conscients de l’impact de notre façon de vivre sur la planète. Il faudrait d’ailleurs 7 planètes Terre pour subvenir à une consommation telle que nous l’avons aujourd’hui dans les pays occidentaux. Nous allons contre le mur !
• Les consommateurs, surtout les plus jeunes…mais aussi leurs grand-parents recherchent davantage de R.S.E. Curieux, les 2 extrêmes de la pyramide des âges…curieux mais logique ! Les plus jeunes sont de plus en plus sensibilisés durant leurs études à ce sujet ; les aïeux, parce qu’ils ont connu la période avant « les années glorieuses » de 1950 à 1980 pour la France, de 1980 à 2010 pour l’Espagne et qu’ils peuvent comparer ce qui est bon et ce qui l’est moins.
• Développer une politique de R.S.E pour une entreprise moderne n’est plus une option ! J’en suis totalement convaincu. D’ailleurs c’est un facteur d’attrait pour les employés, les clients, les consommateurs…qui sont en recherche de sens dans leur consommation et leurs actions.
• Enfin c’est un grand chemin d’humilité. Horst n’avait pas dès le début, une politique R.S.E aussi forte et précise que celle obtenue de nos jours sur Aveda, mais il avait une vision et savait parfaitement comment améliorer son entreprise jusqu’en faire un « business case » qui démontre que l’on peut concilier résultats économiques et respect du monde qui nous entoure.

Et le « 7eme continent » dans tout ça ?

Je ne l’oublie pas…de toute façon il se rappelle à nous par son importance :

• Appelé aussi « Le Vortex de Déchets du Pacifique » (GPGP : « The Great Pacific Garbage Patch » en anglais), cette zone est située dans le Pacifique Nord entre le Japon et les côtes americano-canadiennes.
• Il fut découvert en 1997 par l’océanographe américain Charles Moore.
• Il se situe juste à la surface de l’eau et n’est souvent visible que depuis les ponts des bateaux.
• Sa superficie est encore difficile à mesurer mais une estimation parle d’entre 3 à 6 fois la France. Sa profondeur est de plusieurs dizaines de mètres.
• Son impact sur la chaine alimentaire est énorme puisque les poissons avalent des résidus extrèmement fins de plastique qui finissent…dans nos assiettes.

Une horreur ! Et c’est là que reprend ma conversation avec mon ami, en pleine terrasse, en plein soleil, à Madrid. Qui est responsable ? En fait un peu tout le monde, des entreprises aux consommateurs. 

Nous sommes face à un problème que nous ne pourrons régler que par essentiellement 2 voies : D’une part, une prise de conscience réelle de tous les acteurs et d’autre part, par une action individuelle de tous les jours. N’attendons pas que le voisin fasse le premier effort de recyclage pour commencer à faire le notre. N’attendez pas que l’entreprise concurrente commence à mettre en place une vraie politique de R.S.E pour mettre en place la votre. Même incomplète, comme je l’ai expliqué avant, votre politique de R.S.E aura au moins le mérite d’exister et de marquer des objectifs à atteindre dans les 5 à 10 ans à venir, avec des « temps de passage » mesurés et communiqués chaque année…comme le faisait Horst. N’oubliez pas la maxime sportive : « Qui marque le premier, marque deux fois !».

Quand aux consommateurs, ils sont en bout de chaine…de la consommation comme de la chaine alimentaire, les deux étant évidemment liés et s’ils tienent à vivre mieux, plus longtemps, dans un monde meilleur, ils doivent être le plus rigoureux possible sur 2 points essentiels : 

• Savoir ce qu’ils consomment, en être pleinement conscient et agir avec sens et responsabilité lors de leur achats
• Appliquer les 3 R : Recycler, Réutiliser et Réduire

Je reste profondemment convaincu que les entreprises gagnantes de demain seront celles qui auront rapidement et efficacement mis en place une vraie politique de R.S.E. Elles sauront communiquer dessus…rien n’est gratuit mais oú est le mal si c’est pour faire le bien !

Le mythe de l’Atlantide ?

De très nombreuses générations ont été bercées par le mythe de l’Altantide, ce continent disparu évoqué par Platon. Elle fut engloutie dans les eaux à cause, selon la légende, de la colère de Zeus. On ne la retrouva jamais, mais l’image qui en est restée est celle d’une ile extraordinnaire, d’une civilisation très avancée, très moderne.

La génération actuelle a elle aussi son « Atlantide » mais « Puissance -1 », cette dernière n’est malheureusement pour nous, pas un mythe mais une réalité. Elle est aussi engloutie, mais reste là, bien présente, juste sous la surface des eaux, comme pour nous rappeler ce qui pourrait nous arriver à tous si nous ne cherchons pas à faire concilier résultats économiques avec développement durable. 

Alors, nous commençons quand ? Il n’est jamais trop tard !

Merci pour votre attention,

Sincères salutations.